Consultation

XX, folios:247 248
Bellièvre, Jean de, seigneur d’Hautefort, troisième président au parlement du Dauphiné
M. de Gordes
Lettre non liée
07/03/1573
Grenoble
Lyon

Transcription

Les mots surlignés font l'objet d'une note

1

Reçue à Grenoble, le 10 mars 1573.

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Monseigneur, j’ay receu ce matin votre lettre du dernier du passé, et ceste après disner

3 mademoiselle de St Preis m’a rendu celle du Ve du present. Nous ferons [barré : bien] tout ce 4

qui nous sera possible pour elle, mais je veoy bien que nous avons affère à gens maupiteux

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et me doubtois qu’ils scavoyt que le sieur de Mures est encor mineur lhors qu’ils offrirent

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de luy payer et se contenter de ses promesses s’il estoit marié Quant au Poulsin

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qu’il plaisoit à Dieu que monseigneur le mareschal fust venu à bout de Sommières et

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qu’il eust encor munitions, ce ne seroit peut estre hors de propos qu’il y feist

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monter ses forces avec tant d’artillerie que ce fust assés pour en delouger

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les rebelles, ruiner ce lieu (j’entens les murailles) et chastier bien les coulpables.

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Pour le moins feroit il grand plaisir à tous ceux qui ont interés à ce que la navigation

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du Rosne soit libre. Il sousteroit une grand[e] espine du pied, delivreroit

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d’un grand ennuy, terreur et despense aveq notre pauvre païs de Daulphiné,

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remectroit en asseurance la Provence, et le Contat, et encor que ce ne

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soit qu’une meschante bicocq, si a elle tant fait parler de soy que la reprinse

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n’en seroit que honorable et favorable. Si j’avois ceste honneur d’estre encor

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près de monseigneur le maréchal, je declamerois et presserois ce point aussi bien

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comme j’ai fait autre fois la demolition dudit lieu. Pour respondre au surplus

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de vos lettres par ordre, j’entens que monseigneur le maréchal de Tavanes se porte mieux.

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Vous aurés peu veoir comme par lettres du premier de ce moys monsieur

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de Morvilliers estoit encor à Paris, où je pense qu’avant en partir il portera

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la fille de la quelle ma belle seur est accouchée. L’equivocq fut fait en

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ceste ville sur la nouvelle du decès de monsieur de Marillac. Je ne scait

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rien adiouxter à mes precedentes pour le regard de La Rochelle, de laquelle

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monsieur de Langes nous a envoyé le pourtrait. Dieu nous en doint bon

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succès affin de couper tost chemin à tant de malheurs et necessités.

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Nous n’avons autres nouvelles de Sancerre, sinon que l’on a remué la batterie

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ayant trouvé une trop grand tranchee derrièr celle que l’on avoit faitte.

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Nous avons eu icy toutes les mesmes nouvelles dudit Sommière qu’à Grenoble.

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Mais elles n’ont continué, ains a l’on dist depuis qu’une tour qu’ilz battoyent

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estoyt versée sur la bresche et l’avoit bouchée. Vous ne pouvés de moings

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que d’envoyer promptement en Piedmont l’advis touchant Pinerol, car en ces matières

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il vaut mieux pecher en ceste part, et de reputer possible ce qui est possible.

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Encor vous dirai je là dessus que naguères passa par icy le sieur Andrea de Biraghi

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[247v°] qui dict (ainsi que monsieur de Mandelot m’a raconté) que certain ministre de Pragela

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estoit allé prescher en certain lieu où n’avoit jamais esté fait exercice de la religion,

37 dont interrogé [barré : il] pourquoy il le faisoit ainsi, il respondis que bien tost on verroit 38

qu’ils iroyent prescher encor plus outre, avec certains autres propos de menaces,

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qui fera adiouxter encor devantage de foy audit advis. Toutesfoys je ne feroy

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pas grand estat d’un semblable dire de ministres, qui font mestier de tels articles,

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joinct que ou il est un sot, et il n’y a pas grand fondement, ou il ne l’est pas, et il

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se fust bien gardé de le dire s’il eust pensé qu’on le deut essayer. Je me doubtois

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bien que à peine monsieur de Mandelot vous escriroit de la Robinière, et me semble que je le

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vous gaignois. Comme aussi je vous touchois un mot de ce que je coniecturoys et tenois

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de l’advertisseur. Au surplus je ne comprens pas qui peuvent estre ceux qui i dressent

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ce jeu. Ce malheur n’est que trop commun aujourd’huy d’embrouiller le service du roy

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de nos particulières. Quant au seigneur qui doit estre aussi tost que labas que vous

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puis que on ne peut de moins patience, comme vous dictes, [nisi domus]. Pour le regard du

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seigneur de Cugi je croy que raisons ne luy defandront. Et si je scay d’ailleurs ^ [^ qu’ean le roy], fait recherche telles gens pour soustraire à ses ennmis tous les moyens ^ [^ dont] il se peut adviser, mais chacun ne

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le veut pas comprendre. Quant à tant de cappitaines qui se presentent, je me souviens avoir

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ouy dire à feu monsieur de Selve ambassadeur à Venise, lhors de la guerre de Parme qu’il n’avoit

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jamais veu tant de cappitaines qui se presentoyent de faire service au roy ny si peu de souldas, tesmoins

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qu’il n’y a precedenx que ne vous promectent (je m’asseure) de vous amener dans huict jours

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cent ou deux cens bons soudas, que n’en mectent pas ensemble la moytié dans quatre

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foys autant ^ [^ de temps] quelque comodité que on leur done. J’ay veu à quoy vous en avés esté, et

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depuis mondit sieur le mareschal ecrivant aux gentilshomes, j’entens d’une bone partie, nous en

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sommes comme dict un vieux historien Illis temporibus fortius boni pro libertatem

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loquebantur quam pugnabant. De nouvelles je ne scay rien adjoincter à

59 mes precedentes [barré : q sinon] que par lettres d’Anvers du XXIIe de fevrier, le duc d’Alve 60

a levé son siège de devant Utrec, et neantmoins d’autre part près de Flessingues,

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les gens du prince d’Aurenges pressoient fort un lieu du quel la prinse nuiroit bien fort

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à ce que se dict audit Anvers. Et sur ce, après mes très humbles recommendations à votre bonne

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grace et de madame de Gordes, je supplie le Createur qu’il vous done,

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monseigneur, très longue et heureuse vie. De Lyon, ce VIIe

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jour de mars 1573.

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Votre très humble et très affectionné

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serviteur Bellievre

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